Le Rabbin Ovadia Yossef, à travers le regard de sa fille

 

 

A travers le regard de sa fille, Adina Bar Shalom, un autre aspect surgit de la personnalité complexe du grand rabbin Ovadia Yossef, qui vient de s’éteindre à Jérusalem.

Géant de la Torah, chef spirituel du judaïsme orthodoxe sépharade, le rabbin Ovadia Yossef avait aussi à bien des reprises su oser. ”Il est bien plus facile d’interdire que de permettre” disait-il en parlant des décisionnaires talmudiques. A trois reprises, le grand rabbin avait dit oui. Lors de la guerre de Kippour en libérant les veuves de la guerre de leur statut d’aguna. Face au judaïsme éthiopien en s’opposant à l’orthodoxie ashnénaze et en tranchant sur la judaïté de cette communauté. Et aussi face à la démarche révolutionnaire de sa fille d’ouvrir la première académie orthodoxe.

J’ai rencontré à plusieurs reprises Adina Bar Shalom, pour l’écriture de mon livre. Voici quelques extraits de ces rencontres telles qu’elles sont rapportées dans le livre, où elle parle de son père.

Sur la création de l’académie

“…. Chapeau noir, bas opaques, tailleur strict et lunettes ovales, Adina Bar Shalom n’a rien d’une militante féministe. Pourtant, c’est bien une révolution féminine qu’a initiée la fille du rabbin Ovadia Yossef avec l’ouverture de la première institution universitaire pour femmes ultra-orthodoxes. …. ….La fille a suivi les traces de son père. Le même refus des carcans désuets caractérise le rabbin Ovadia, le chef spirituel de l’orthodoxie séfarade. Le père d’Adina Bar Shalom a plus d’une fois tranché en faveur de la femme. Mais, en appuyant de tout son poids le projet de sa fille, en acceptant l’intrusion de l’académie au sein de l’orthodoxie religieuse, le rabbin a frôlé le sacrilège. Son audace a mobilisé contre lui le judaïsme orthodoxe ashkénaze. Des pamphlets véhéments, affichés jusque dans la rue, qualifiaient sa décision de blasphématoire et appelaient au boycott de la nouvelle institution: « Comment accepter que les jeunes filles religieuses étudient Freud, pour qui la religion est un symptôme névrotique !» Décisionnaire incontesté à la tête d’une communauté majoritaire, le rabbin séfarade a fait fi de ces critiques….. Je voulais changer fondamentalement la vie des femmes orthodoxes en leur donnant le droit de choisir. Je voulais faire quelque chose de grand, laisser l’empreinte de mon père ». « J’ai compris que l’accord de Zabulon et d’Issachar ne régirait plus les relations entre religieux et laïcs. Les Israéliens n’accepteront plus de travailler pour financer le monde religieux. Nous devrons trouver nos propres moyens de subsistance. Sans farine, pas de Torah, dit la maxime. Et j’ai donc fondé cette université.

Sur les souvenirs d’enfance et les liens avec la communauté ashkénaze

Adina Bar Shalom est née en 1945 à Jérusalem. Puis, elle a grandi en Egypte où son père, qui n’était pas encore le leader du judaïsme séfarade, était responsable du tribunal rabbinique. Dans les souvenirs d’Adina s’entremêlent les promenades sur les rives du Nil, les pyramides, les chameaux et les attaques contre la petite communauté juive du Caire lorsqu’en mai 1948 est créé l’État d’Israël. Quand, à l’âge de six ans, Adina revient en Israël, son père exige qu’elle entre dans le Beit Yaacov, le réseau scolaire orthodoxe ashkénaze….

 

Sur le souvenir et l’exemple de son père

…. J’avais onze ans lorsque nous avons quitté notre appartement de deux pièces à Jérusalem. Six enfants ne peuvent dormir dans une même chambre, laquelle de surcroît sert de bureau avait décrété ma mère. Pourtant, c’est dans mon lit, en regardant mon père penché sur ses écrits dans cette pièce tapissée de livres, chambre d’enfants et bureau du rabbin, que j’ai découvert le goût de lutter et l’amour du savoir.

Sur la halacha de son père

….Une histoire, qui dit tout. C’était lors de la shiva, la semaine de deuil de ma mère, la rabbanit Margalit. Certains ont dit, les filles s’assoiront dans une salle, les fils avec leur père dans l’autre. Mon père a entendu s’est levé et a tranché en quelques mots: ” mes filles s’assoiront là, à coté de moi, avec moi.”

 

La Soucca de Rose

 

« L’Éternel parla à Moïse en ces termes : “Parle ainsi aux enfants d’Israël : le quinzième jour de ce septième mois aura lieu la fête des Tentes, durant sept jours, en l’honneur de l’Éternel…”. » (Lévitique 23, 33‑34)

 

Dans la ville de Safed, chacun connaît l’histoire de la Soucca de Rose.

En cette fête de Souccot, Rose n’aurait pas de soucca. Son mari venait de la quitter pour rejoindre les anges dans les cieux. Et comment une femme âgée de quatre-vingt-cinq ans, et sans enfants, construirait-elle seule une soucca ? Rose regardait le balcon fermé, les bois de la soucca entreposés avec soin par son mari, les rideaux colorés enveloppés dans du plastique, et la boîte à outils de souccot, ampoules, tournevis et marteaux.

Rose s’était résignée à ce Souccot sans soucca, pour la première fois depuis soixante-cinq ans — depuis cette époque où, rescapée des camps de la mort, elle avait rencontré sur le bateau l’homme qui deviendrait son mari quelques semaines plus tard. Seule, elle sentait les larmes lui monter dans la gorge — Rose, qui était fière et de plomb, ne pleurait jamais devant autrui. « Passez Souccot chez nous ! avait proposé sa voisine. Chez nous, c’est chez vous. » Et Rose avait accepté.

Cependant, le matin de Souccot, on frappe brusquement à sa porte : un jeune couple, lui les cheveux frisés, elle avec un long foulard vert, se présente, main dans la main. « Madame Rose, pouvez-vous nous rendre un service ? Nous sommes nouveaux à Safed, nous nous sommes mariés il y a trois semaines, juste la veille du Nouvel An. Et nous n’avons pas de soucca… »

Les larmes de Rose disparurent à jamais. La soucca des temps heureux allait connaître une nouvelle jeunesse.

Le Mikvé réinventé

Le Mikvé de Rotem Bitton – juillet 2013

Et si l’on réinventait le Mikvé. L’esthétique, les couleurs, les matériaux, l’architecture de ce lieu emblématique de la vie de la femme juive à travers les temps.

Selon la loi juive, une femme doit sept jours après la fin de ses règles se tremper dans le bain rituel avant d’avoir des relations  intimes avec son mari. En Israël, non seulement les femmes religieuses, mais de plus en plus de non pratiquantes fréquentent le  Mikvé. Phénomène de société qui en tant que tel, interpelle.

Ce lieu, tout à la fois majeur, mystérieux, ancestral, religieux, sensuel et aussi parfois désavoué, a de tous temps fasciné.  Aujourd’hui, ce sont les étudiants en architecture et design du ” College of Management” qui réinventent le mikvé. Une démarche qui confére au bain rituel une nouvelle dimension qui va bien au delà de l’esthétique. Ce projet artistique novateur a aussi l’intérêt d’avoir été mené en coopération étroite  – et rare pour l’académie israélienne – avec les autorités religieuses.

Pour Carmela Yaacobi  Wolf, directrice du département, l’objectif est de créer une communication entre les espaces publics de demain et les étudiants en architecture intérieure. Et pour que cette communication ne soit pas théorique, une collaboration s’imposait. Une concertation que le rabbinat veut même aujourd’hui concrétiser. ” Dans la construction des prochains mikvé, nous prendrons en compte les travaux de certains étudiants. C’est un regard nouveau, créatif, innovant.”

Et mes deux conclusions. Un, certains rabbins de l’orthodoxie savent oser. Deux, si ces modèles sont bel et bien construits, le Mikvé se fera un peu plus convaincant et séduisant.

Carmela Yaacobi Wolf, directrice du département de design

 

Le Mikvé d’Assaf Ohayon – juillet 2013

 

Le Mikvé de Liat Pinto – juillet 2013
Le Mikvé de Reut Levy – juillet 2013

 

Chroniques intimes d’un pays, mon livre

Chers lecteurs, certains d’entre vous le savent déjà. J’ai sorti il y a quelques semaines, un livre aux éditions Inpress. ” En direct d’Israël, Chroniques intimes d’un pays, une journaliste raconte.”

Compliqué de parler de sa propre écriture et j’ai donc choisi de laisser la parole à d’autres…

L’ARCHE

http://larchemag.fr/2014/02/11/984/portraits-disrael

Un livre-témoignage, comme une radiographie pour mieux comprendre une réalité qui semble parfois dépasser l’entendement…chaque destin individuel semble prendre ici une dimension quasi universelle

Tribune Juive – Bely

”Vous avez aimé sa voix?  Vous aimerez sa plume!…Universaliste, à travers ce livre qui pourrait s’appeler « Israël, mode d’emploi », elle séduit les esprits curieux et réconcilie les extrêmes. Précise, par la grâce de l’écriture même, arrêtée dans le temps avec possibilité de retour, cette forme d’expression lui permet de manipuler les mots pour en faire des images, un diaporama témoin d’une époque de la vie et des « chroniques intimes d’un pays et ses habitants…”

Kef Israël – Rachel Samoul

“….Très personnelles et originales, ces chroniques nous emmènent du désert à la Galilée, de Kfar Habad, le village des Loubavitch à Ajami à Yaffo, nous font entrer dans un bain rituel ou dans un atelier de fabrication de chofars.  On respire les odeurs d’Israël, on est ébloui par sa lumière intense et on se régale des gens, des nouvelles expressions en hébreu, comme Dvash, Miel pour dire que tout va bien et des plats savoureux comme le sabich ou le sahlav. Les martinets du Kotel  nous font  appréhender le conflit israélo-palestinien du point de vue avicole. On croise Yeshayahou Leibowitz, Menahem Begin, Amos Oz et Haïm Gouri mais aussi Efraïm, le Juif inca ou les habitants de Yerocham….”

La lettre du Crif – Jean Pierre Allali

“Plus qu’un livre, c’est un véritable bijou que nous offre l’auteur. Une série de récits courts d’une écriture finement ciselée, qui sont autant de petits diamants et qui donnent d’Israël et de ses habitants une impression de force tranquille, de bonheur et d’espérance. Même lorsqu’elle nous décrit des personnages peu sympathiques comme Hanin Zoabi, députée arabe du parti Balad qui n’hésite pas à affirmer « Un peuple qui occupe la terre d’un autre peuple n’a pas le droit de vivre en paix “.

Le Jerusalem Post 

 “Pour les inconditionnels d’Israël, ou ceux qui méconnaissent totalement le pays. Mieux que n’importe quel guide touristique saurait le faire, ce livre est une invitation au voyage. Il provoque l’irrépressible envie de se mettre en route, toutes affaires cessantes pour emboîter le pas à Katy Bisraor Ayache. Avec son oeil aigu habitué à saisir l’instant dans ce qu’il a de singulier, l’auteure nous livre ses chroniques, comme on ouvre les pages de son précieux album de famille, pour le partager avec un ami intime. On croit connaître Israël comme sa poche et on découvrira étonné qu’on n’en n’a pas encore fait le tour. Que l’on s’en tienne loin, malgré la distance, on en pénétrera le coeur et l’intimité, comme si on y était. On y rencontrera un juif Inca, une convertie, un Yéménite, Molière en judéo-marocain, de la neige dans le Néguev, de la pop liturgique, des vins «haute-couture » et des microcuvées nées sur de minuscules surfaces, la Mimouna du secret, le ménage du Messie du 9 Av, la machine à écrire d’Amos Oz, le juif du Tzar, l’épique naissance du nom Olmert et bien d’autres étrangetés.”

Mila- WIZO  France Palmer

“… Un autre aspect étonnant que nous a révélé Katy Bisraor est la révolution interne qui agite les femmes orthodoxes…”

 

 

Sefarad.org – Micheline Weinstock

“…Katy Bisraor…à travers une série de rencontres, de portraits – de femmes, d’hommes… aborde certains mythes, dans le domaine culinaire notamment, en recherche l’origine et la fonction.Des instantanés justes. Sans jugements, sans dogmatismes. Elle “ose” des rencontres vraies de personnalités de tous bords et de toutes opinions. Au-delà de la dureté de certaines paroles elle parvient à écouter la détresse et les bricolages intérieurs qui sont à l’origine de certains engagements…”

 

Israël Valley

“… au plus près d’une réalité souvent mal connue. une bravade. Un choix. “

Cool Israël

“C’est un recueil de nouvelles touchantes et passionnantes qui dépeignent la société israélienne sur toutes ces facettes. Elle nous fait voyager avec beaucoup de sensibilité et de tendresse”

Alya Express News

 “….Israël peu connu. Une centaine de chroniques, réparties en huit chapitres principaux, Israël pluriel, Carnet de Voyages, Femmes, Rencontres et aussi les saveurs d’Israël et des chiffres, certains stupéfiants sur la réalité de ce pays.”

BBDP

“Un livre juste et  sensible  pour tous ceux qui veulent comprendre Israël, sans éviter aucune confrontation et sans parti pris idéologique.”

Communauté Nouvelle – Avril 2013

“Un Israël plus intime que vous ne connaissez pas…”

Actualité Juive – Mai 2013

“L’ouvrage est rythmé par une centaine de chroniques, des portraits, des reportages, des choses vues….Raconter les coulisses des rencontres…”

Radio Shalom – Bernard Abouaf – Mai 2013

“Ce livre décrit cette prosmicuité qui existe en Israël, où l’on passe d’une réalité à l’autre en quelques minutes.”

Radio Vallée F.M 98.4 – Mai 2013

“On voyage, on voyage dans l’inédit…”

Kol Israël – Marc Tobias – Mai 2013

“C’est comme si l’on redécouvre Israël…”

Lettres d’Israël

“…ce livre  vibrant au rythme de cette terre traversée de contrastes et de tensions…”

LPH

“Le livre n’est pas un ouvrage historique, ni une revue de presse à travers les années, mais plutôt constitué de photographies de la société israélienne à différentes époques et à travers des personnages symboliques connus ou anonymes. Tous les débats, tous les sujets sont abordés au travers de textes courts et rythmés qui offrent un regard ouvert, pluriel et profond, sur un pays complexe.”

Interview sur Radio Chalom Nissan avec Jean Jacques Bitton

Enregistrement de l’interview sur RCN aout 2013

Et si vous ne l’avez pas encore lu….

Mon livre sur Amazon

Mon livre sur la FNAC

 La photo de couverture du livre est de Diane Henin Safra

La photo de couverture du livre est de Diane Safra Henin

Dvora Omer, l’écrivaine des enfants

 

” J’écris pour raconter l’amour aux enfants” m’avait dit Dvora Omer lors d’une rencontre il y a quelques années à Tel Aviv. J’écris aussi pour faire aimer l’histoire d’Israël.  Pour Dvora Omer, parler de l’histoire d’Israël s’était d’abord sublimer les petites histoires secrètes, tendres, drôles, pathétiques cachées au tréfond des grandes dates historiques. Et elle savait captiver, passionner, transcender.  Lauréate du Prix d’Israël, l’écrivaine emblématique, qui s’est éteinte à l’âge de 80 ans a signé plusieurs dizaines des grands bestseller pour enfants.  En tout 90 livres. Depuis les débuts des années 60, rares sont les enfants israéliens qui n’aient pas lu plusieurs de ces livres.  Et ces enfants devenus adultes connaissent souvent les épopées des débuts et les personnages d’Israël à travers les livres d’Omer. Comme l’histoire de la Haganah et de  Zohara Levitof, l’héroïne “d’Aimer jusqu’à la mort” et surtout l’histoire du Nili écrite autour de l’histoire d’amour impossible entre Sara Aharonsof et Avshalom Feinberg  dans son roman le plus célèbre, Sara, héroïne du Nili. Elle a aussi écrit sur les grands personnages d’Israël, Menahem Begin, Itshak Rabin, Théodore Herzl…

Les femmes sont nombreuses, dans les romans de Dvora Omer. Les féministes d’Israël lui ont d’ailleurs  reproché sa vision trop classique, trop ”carcan” de la femme. Dans ses romans, la femme idéale est tout à la fois, combattante, courageuse, belle, épouse, mère au foyer.

D’une manière étrange, à ma connaissance, aucun de ses livres n’a été traduit en français et très peu en anglais. Peut être une occasion pour les éditeurs de faire découvrir Israël d’une autre manière.

Les dames orthodoxes à la Mer Morte

 

C’était il y a quelques semaines dans un grand hôtel sur les bords de la Mer Morte. L’hôtel avait  été réservé par une  yeshiva lituanienne de Bné Brak. D’énormes panneaux de bois plantés sur les graviers et plongeant dans l’eau, séparaient  strictement la plage en deux. A gauche, pour les hommes, à droite pour les  femmes. Une à une, ou en petits groupes, elles sont arrivées avec leur ribambelle d’enfants.

En quelques minutes, elles ont changé leur robe stricte et leurs bas noirs en longs peignoirs de bain colorés, leur coiffe sombre ajustée sur des perruques, en bonnet de bain fleuri. Leur air sérieux s’est métamorphosé en sourire jovial, les mots pesés en conversations coquines sur les maris-enfants-belle-mère-ménage et “cholent”  de shabbat.

Assises en rond, au bord de l’eau, flottant comme des ballons sur la mer de sel, ces dames  impénétrables, dures et tranchantes, étaient devenues drôles, charmantes et  accueillantes. A chacune, de s’étaler de la boue noire et gluante sur le visage et les bras, à d’autres de faire  la planche à plaisir les yeux fermés face au soleil sur l’eau  immuable, et d’autres encore à prendre en peignoir une douche glacée en riant aux éclats.

Une très vieille dame ridée avait un bonnet de bain blanc et un peignoir bleu en s’aspergeant avec délice d’eau salée – la mère du rabbin de la yéshiva, me dira t-on plus tard –  expliquait avec enthousiasme à ses filles, belles-filles, petites et arrières petites filles: ” Mes enfants, remerciez Dieu, mais merci Dieu, pour ce bain de sel. Mais regardez ce que Dieu a fait. Une mer de santé.”

Dans le hammam évidemment strictement réservé aux femmes,  dans l’opacité des  vapeurs et l’humidité du spa, les conversations se sont faites encore plus ouvertes. “Mes études, mon travail… oui mais bien sûr avant tout, mon mari, mes enfants, mais ma carrière…, ma gym…. mon temps à moi…. et une autre de poursuivre, pour le bien de la famille,  l’épouse et la mère de famille doit être heureuse, satisfaite, accomplie…”. Presque le discours des féministes des années 70.

Je l’avais remarqué et écrit d’ailleurs sur ce Blog. La femme orthodoxe israélienne – certaines en tout cas – ont créé un modèle très particulier de  révolution féminine.  Une révolution de l’intérieur. Attachées scrupuleusement à leur croyance  et à leur famille, souvent fer de lance du respect de  la tradition religieuse, elles ont créé tout à la fois un espace d’indépendance, de liberté et de créativité.

 

 

Opération Piliers de défense – Comment faire pipi à Ashdod…

 

Une amie qui habite la ville d’Ashdod m’a confié le problème existentiel qui l’a préoccupe:

” Lorsque l’on habite une ville où les alertes et les explosions détonnent sans cesse, comment pouvoir aller aux toilettes, lorsqu’en 30 secondes je dois à la moindre alerte, ramasser mes bambins aux quatre coins de l’appartement et trainer le berceau de mon bébé dans la chambre étanche. J’ai donc fait un accord de coopération avec ma voisine. Avec nos deux maris médecins mobilisés  par l’hôpital, nous avons le même dilemme. Pour aller en toute sérénité dans l’endroit où le roi va tout seul, j’envoie ma marmaille dans la chambre étanche de ma voisine et vice versa…

Même impossible de faire pipi en secret…

Et j’espère que tu oseras raconter dans ton Blog, les vrais problèmes des femmes du Sud d’Israël. ”

J’ai osé.

Yaffa Yarkoni a tiré sa dernière révérence

L’icône de la chanson israélienne n’aimait pas le surnom qui lui avait été donné, “la chanteuse des guerres”. Si c’est pour raconter que j’ai chanté au milieu des champs de bataille, côte à côte avec nos soldats, que je me précipitais sur le téléphone pour transmettre des messages à leurs parents (c’était bien avant le temps des Iphone et des Ipad, c’est moi qui commente évidemment), que je me rendais dans les hôpitaux lorsque l’un d’entre eux avait été blessé, je veux bien que l’on m’appelle ainsi, mais je n’aime pas la guerre, je veux la paix. Quelques années plus tard,  ”la chanteuse des guerres”  créait  le scandale , en critiquant avec virulence, “l’attitude des soldats” lors d’une des grandes opérations de Tsahal. Mais ces prises de positions politiques, avaient été vite oubliées, vite pardonnées. Comment aurait il pu en être autrement, pour celle qui sans peur et avec affront, chantait Babel Oued sous le feu de l’armée égyptienne en 1967, chantait main dans la main avec les soldats de Givati en 1948, et avec les petits enfants de ces soldats eux mêmes devenus soldats dans la Guerre du Liban de 1981.

En m’offrant Babel Oued, avait elle raconté, Haim Gouri, ( qui avait écrit les paroles de ce grand poème sur la porte d’entrée vers Jérusalem, aujourd’hui en hébreu, Shaar Hagay pour raconter la guerre d’Indépendance)  a fait de moi la chanteuse d’Israël.

Yaffa Yarkoni s’est éteinte ce lundi 1 janvier 2012, à l’âge de 86 ans. Depuis quelques trois ans, elle souffrait de la maladie d’Alzheimer. Dans une maison, entourée d’autres malades, la grande dame de la chanson israélienne, ne chantait plus, les mélodies aussi avaient échappé à sa mémoire et seulement parfois, le regard dans le vague elle tapotait de son doigt sur la table, sans que personne ne sache si ce mouvement anodin de la main était le  fil conducteur vers les musiques et la voix somptueuse de la chanteuse adulée 1. Tragédie d’une maladie encore sans espoir de guérison.

J’ai choisi deux moments de cette  grande carrière.  Les débuts et la fin. Deux moments de l’histoire d’Israël pleins de force, de tendresse aussi.

Yaffa Yarkoni dans un de ces premiers concerts en France en 1967

 Yaffa Yarkoni en 2002, dans un moment intimiste, une des ces dernières apparitions publiques enregistrant une nouvelle version d’un de ces grands succès, Kol hayonim 

1 Selon le témoignage de sa fille, raconté il y a quelques mois.

Guila Katsav

 

Pendant ces journées de tempête et de honte que traverse Israël, je pense à Guila Katsav.

Pendant les premiers mois, Guila Katsav était auprès de son mari. Toujours. Lors des spectaculaires et houleuses conférences de presse à la résidence présidentielle,  lors de la volte face de Katsav à la Cour de justice de Jérusalem, marchant d’un pas difficile dans des tailleurs serrés, poursuivit par une horde de journalistes. Spectacle difficile, de cette femme, ronde, au regard clair, comme propulsée de force sur une scène de théâtre.

D’autres femmes auraient choisi de tourner le dos à leur époux. Mais pas Guila Katsav. ” Pour protéger ses fils, sa famille, ses belle filles, ses petits enfants” a confié une de ses amies. Peut être. Etait elle convaincue de l’innocence de son mari? Moshé Katsav avait il réussi à l’entrainer dans ses persuations, ses illusions, son imaginaire. Ou est ce que Guila Katsav savait?  A preuve, les pages du verdict qui témoignent des réflexions aux collaboratrices de son mari, Fermez le bouton de votre chemise, portez des robes plus correctes. Malgré tout, Guila Katsav est elle restée, prisonnière du modèle patriarcal. Comme toute victime d’un traumatisme, Guila Katsav, est peut être passée d’un sentiment à l’autre.

Depuis quelques mois, confinée dans sa maison de Kiriat Melachie, que pense Guila Katsav? L’épouse de l’ancien président n’a apparemment, plus réussi ou plus voulu faire face à cette situation.  Plus une seule fois, elle ne s’est rendue à la Cour de Tel Aviv, ni au cours du procès, ni lors du verdict, ni lors de la séance où les juges ont condamné son mari à sept ans de détention.

Ezer kenegdo est il écrit, dans le texte de la Genèse (2-18), pour parler de la création de la femme.  « Une aide à ses côtés » dans la traduction française. Avant que d’autres traductions plus proches du texte biblique rectifient et traduisent «une aide contre lui» ou encore« une aide en face à lui». Vrai dilemme. Etre à jamais à ses cotés ou tirer sa révérence si son coquin de mari devient, aux yeux de la justice, carrément délinquant?

Au delà de l’histoire pathétique du couple Katsav, ce qui nous interpelle aujourd’hui, c’est le statut des femmes en Israël. C’est à l’aune des femmes que se juge une  société. Le procès Katsav est-il vraiement un succès pour le combat des femmes, comme l’ont écrit des dizaines d’éditoriaux de la presse? Oui, seulement si ce procès, améne Katsav et ses semblables à disparaître de l’identitaire israélien.

Merci Golda Meïr…

Merci Madame le premier Ministre. Grâce aux années passées à la direction de l’Etat d’Israël,  Golda Meïr permet à l’Israël 2010 d’arriver en 15è position dans un des classements du rapport important publié cette semaine par le Forum économique mondial sur l’inégalité des hommes et des femmes dans le monde.

Mais le succès pour la femme israélienne s’arrête là. Le rapport donne une image bien différente de celle d’un Israël avec une Dame de fer, dirigeant le pays de sa cuisine ou des images d’Epinal  de soldates se battant pour l’indépendance de leur pays. Israël arrive en 52è position dans ce classement mondial, loin derrière la Suède (4), l’Espagne (11), la Grande Bretagne (15), les Etats Unis (19) juste derrière la  Russie (45) et la France (46), et non loin de la Chine (!) (61).

Israël dégringole donc de 17 places, passant du 35ème rang en 2006 au 52ème en 2010 sur un total de 134 pays. Une dégradation sensible dans tous les domaines. Au niveau politique, Israël arrive en 107è position pour le nombre de ministres, en 64è pour le nombre de femmes députés et en 15è position pour le nombre d’années à la direction d’un pays (Merci donc à Golda)

Pour Hanna Herzog, sociologue, professeur à l’Université de Tel Aviv, cette chute s’explique avant tout, par l’inégalité des salaires à travail égal ainsi que par l’absence de femmes dans les postes dirigeants de l’économie israélienne. ” Le phénomène est sensible depuis le début des années 80. En Israël, la privatisation a joué  au détriment de la femme. L’Etat de moins en moins interventionniste, n’a pas pris soin de mettre en place des mécanismes permettant d’assurer la parité”.  Herzog donne l’exemple du système éducatif, la baisse du nombre d’heures d’étude, (la majorité des enfants reviennent à 13h à la maison), les  jardins d’enfants payants, ont amené les femmes à retarder le début d’une carrière

Israël est aussi pointé du doigt dans le domaine de la santé. Pour le niveau de la santé de la femme comparé à celui de l’homme  Israël arrive en 91è position. Seul point positif de cette enquête, la présence des femmes dans l’enseignement, Israël arrive au premier rang. A mettre tout de même en parallèle avec un autre rapport, celui  de l’Unesco publié il y a quelques mois, Israël arrivait dans les derniers rangs des pays occidentaux pour le niveau du salaire des enseignants.

Israël a certes connu une véritable révolution féminine en se débarrassant progressivement des carcans de la société très misogyne des débuts de l’Etat, les femmes orthodoxes arrivent  dans le monde du travail, comme les femmes bédouines et arabes. Mais ce rapport du WEF, confirme que la révolution féminine en Israël est une révolution inachevée.

Un mot sur nos voisins, qui sans surprise arrivent en bas de liste. La femme musulmane garde son statut le plus bas du monde. 123è position pour l’Iran, 124 pour la Syrie, 125 pour l’Egypte, 126 pour la Turquie, 132 pour le Pakistan et la dernière place pour le Yémen. 

Le document complet du WEF sur Israël ( Pour les pros, mais passionnant si vous avez du temps)