Sept images de Pessah, avril 2014

esther bleu jaune

 

L’agitation perpétuelle de la société israélienne donne déjà le vertige. A la veille de Pâques, le bouillonnement devient  explosif. Le stress est la marque de fabrique de la fête. Comme si chacun, son balluchon sur l’épaule, allait, bel et bien quitter l’Egypte, fuir l’esclavage, traverser la Mer Rouge et entamer sur les pas de Moshé, un voyage de quarante dans le désert, pour arriver en terre promise. Mais vous y êtes, en terre promise! Israël, le pays où coulent le lait et le miel, où Prada et Porche ont pignon sur rue, où la liberté n’a parfois aucune limite. Non et non! Les Israéliens se croient sur une scène de théâtre. Pendant quelques jours, ils deviennent acteurs de leur histoire millénaire

Voici donc sept images de Pessah en Israël

  • Enquête de l’Université de Bar Ilan: 90 % des foyers juifs en Israël marquent le seder de Pessah
  • Les carnets de rendez vous se figent. Rien! Ne me demandez rien! Mais justement c’est pour Pâques que… !Rien! Après Pâques! Personne ne vous accordera ici un rendez vous, ni le peintre, ni le médecin, ni votre client.
  • Dans les magasins bondés, il faut pousser des coudes, pour dénicher une belle jupe au prix maxi.
  • Jusqu’à l’aube, les chariots des supermarchés crissent entre les allées et les voitures klaxonnent au quart de seconde en se demandant pourquoi le rouge n’a pas encore virer au vert.
  • Même la charité se fait bouillonnante. Comme si les pauvres ne mangeaient qu’à Pâques. Les organisations caritatives ramassent de quoi nourrir une nation pendant des mois.
  • Dans tout Israël, les balcons et les jardins fleurissent à plaisir
  • Tsahal se laisse aussi tenter à ces remous. Adieu Iran,  Hamass et Hizboulah. La grande opération logistique est de rendre les cuisines des bases militaires « casher pour Pâques » explique très sérieusement le chef d’Etat major.

Hag Sameah à tous les abonnés de mon Blog

Le dessin qui illustre ce papier est de mon amie Esther Derai Galam

 

La Soucca de Rose

 

« L’Éternel parla à Moïse en ces termes : “Parle ainsi aux enfants d’Israël : le quinzième jour de ce septième mois aura lieu la fête des Tentes, durant sept jours, en l’honneur de l’Éternel…”. » (Lévitique 23, 33‑34)

 

Dans la ville de Safed, chacun connaît l’histoire de la Soucca de Rose.

En cette fête de Souccot, Rose n’aurait pas de soucca. Son mari venait de la quitter pour rejoindre les anges dans les cieux. Et comment une femme âgée de quatre-vingt-cinq ans, et sans enfants, construirait-elle seule une soucca ? Rose regardait le balcon fermé, les bois de la soucca entreposés avec soin par son mari, les rideaux colorés enveloppés dans du plastique, et la boîte à outils de souccot, ampoules, tournevis et marteaux.

Rose s’était résignée à ce Souccot sans soucca, pour la première fois depuis soixante-cinq ans — depuis cette époque où, rescapée des camps de la mort, elle avait rencontré sur le bateau l’homme qui deviendrait son mari quelques semaines plus tard. Seule, elle sentait les larmes lui monter dans la gorge — Rose, qui était fière et de plomb, ne pleurait jamais devant autrui. « Passez Souccot chez nous ! avait proposé sa voisine. Chez nous, c’est chez vous. » Et Rose avait accepté.

Cependant, le matin de Souccot, on frappe brusquement à sa porte : un jeune couple, lui les cheveux frisés, elle avec un long foulard vert, se présente, main dans la main. « Madame Rose, pouvez-vous nous rendre un service ? Nous sommes nouveaux à Safed, nous nous sommes mariés il y a trois semaines, juste la veille du Nouvel An. Et nous n’avons pas de soucca… »

Les larmes de Rose disparurent à jamais. La soucca des temps heureux allait connaître une nouvelle jeunesse.

Les Kapparot de Bné Brak

A la veille de Kippour, à Bné Brak, la ville orthodoxe près de Tel-Aviv, à même la rue, des marchands ont installé leurs cages à poulets.

C’est la coutume des kapparot. On prend un coq pour les hommes et les garçons, une poule pour  les femmes et les petites filles que l’on fait tourner  trois fois autour de la tête en récitant une prière qui demande le rachat des fautes ou plus exactement le transfert des fautes  sur le coq ou la poule. Puis, toujours au beau milieu de la rue, le sho’het, l’abatteur rituel égorge le poulet. Le poulet ou sa valeur monétaire est donné aux pauvres.

La racine de kapparot, est la même que celle du jour de Kippour. Kapar, en hébreu כפר  expier, expiation.

Pourtant, cette tradition des kapparot est de moins en moins suivie. D’abord parce que de nombreuses sommités rabbiniques ont de tous temps décrié cette coutume, à l’origine probablement païenne, coutume qui n’est pas rappelée dans le Talmud, ni dans les autres écrits fondamentaux du Judaïsme. Ses réserves s’expliquent aussi en raison des questions de cacherout, le poulet égorgé à la va-vite l’est-il vraiment dans les règles scrupuleuses de l’abattage rituel, pour des questions d’hygiène et aussi par souci de ne pas faire souffrir l’animal de plus la veille du jour où chaque Juif demande le pardon de ses fautes.

Et surtout, parce que la coutume qui s’est répandue, est que le rachat des fautes peut tout aussi bien se faire en donnant de l’argent.

Mais à Bné Brak, les vendeurs de kapparot font des affaires. Des dizaines de bambins grimpent partout pour mieux voir. C’est l’évènement dans le quartier. Les familles arrivent avec leurs bambins et leurs aieux, en priant avec ferveur que le coq prenne sur lui toutes les fautes de l’année. J’ai même vu un mari faire les kapparot à sa femme enceinte – à mon regret, elle n’a pas accepté d’être photographiée,  avec trois poulets, un coq si le bébé est un garçon, une poule si c’est une fille, et une autre poule pour elle.

Et si vous n’êtes pas à Bné Brak ces jours ci, j’ai pris pour vous, chers internautes, amis de mon Blog, quelques photos.

bne brak 2013

Les enfants grimpent partout pour voir la cérémonie des kapparot et de l’abattage rituel
Les cages à poulets à même la rue
Les cages à poulets à même la rue

 

 

Le Mikvé réinventé

Le Mikvé de Rotem Bitton – juillet 2013

Et si l’on réinventait le Mikvé. L’esthétique, les couleurs, les matériaux, l’architecture de ce lieu emblématique de la vie de la femme juive à travers les temps.

Selon la loi juive, une femme doit sept jours après la fin de ses règles se tremper dans le bain rituel avant d’avoir des relations  intimes avec son mari. En Israël, non seulement les femmes religieuses, mais de plus en plus de non pratiquantes fréquentent le  Mikvé. Phénomène de société qui en tant que tel, interpelle.

Ce lieu, tout à la fois majeur, mystérieux, ancestral, religieux, sensuel et aussi parfois désavoué, a de tous temps fasciné.  Aujourd’hui, ce sont les étudiants en architecture et design du ” College of Management” qui réinventent le mikvé. Une démarche qui confére au bain rituel une nouvelle dimension qui va bien au delà de l’esthétique. Ce projet artistique novateur a aussi l’intérêt d’avoir été mené en coopération étroite  – et rare pour l’académie israélienne – avec les autorités religieuses.

Pour Carmela Yaacobi  Wolf, directrice du département, l’objectif est de créer une communication entre les espaces publics de demain et les étudiants en architecture intérieure. Et pour que cette communication ne soit pas théorique, une collaboration s’imposait. Une concertation que le rabbinat veut même aujourd’hui concrétiser. ” Dans la construction des prochains mikvé, nous prendrons en compte les travaux de certains étudiants. C’est un regard nouveau, créatif, innovant.”

Et mes deux conclusions. Un, certains rabbins de l’orthodoxie savent oser. Deux, si ces modèles sont bel et bien construits, le Mikvé se fera un peu plus convaincant et séduisant.

Carmela Yaacobi Wolf, directrice du département de design

 

Le Mikvé d’Assaf Ohayon – juillet 2013

 

Le Mikvé de Liat Pinto – juillet 2013
Le Mikvé de Reut Levy – juillet 2013

 

Feux de joie, gimauves, halaké et voile blanc

 

 

Un peu d’histoire, avant de vous raconter les feux de camp, les guimauves, les mariages et les images du Lag Baomer. Entre Pessah et Chavouot, Israël et le peuple juif fête le Lag Baomer,  33 ème jour de la supputation de l’Omer. Lag, les deux lettres hébraïques de lamed et de guimel représentent en guématria,  la numération hébraïque, le chiffre de 33.  Le Lag Baomer est aussi  la Hilloula, l’anniversaire de la mort du rabbi Shimon bar Yohaï,  l’auteur présumé de la Cabale, du Zohar qui a vécu au début du IIe siècle de l’ère chrétienne. Selon certains exégètes, la tradition d’allumer des feux de joie le Lag Baomer symboliserait le feu de la Torah, qui sera révélée lors de la fête de Chavouot. D’autres estiment que la pratique   rappelle l’ancestral allumage des feux de camp pour la néoménie. Et pour d’autres, les feux symbolisent la lumière amenée au monde par la Cabale. Le Lag Baomer, est une tradition relativement récente. La date n’est mentionnée ni dans la Bible, ni même dans le Talmud. Et les premiers témoignages sur cette journée de fête datent de la fin du XVè siècle, où des sages de l’époque, habitant Safed, racontent comment ils se rendaient autour de la tombe du Rabbi Shimon Bar Yochaï à Méron pour y allumer des feux de joie.

  •  Du nord au sud d’Israël, depuis plusieurs semaines, des bandes d’enfants empruntent les chariots des supermarchés pour transporter des planches de bois dénichés sur les sites de construction.
  • Un entrepreneur tente vainement de protéger son chantier et explique aux garnements que les poutres servent à construire des maisons et pas à être brûlées dans les feux du Lag Baomer.
  • Le ministre de l’éduction confie à son équipe ses inquiétudes. “Nos enfants allument des feux de joie sans savoir pourquoi.”
  •  Les Verts appellent à abandonner cette tradition trop polluante. La pollution quadruple la nuit du
    Lag Baomer
  • A Méron, devant la sépulture de Rav Shimon bar Yohaï, des femmes allument des bougies sur d’immenses plateaux emplis de sable blanc.
  • Toujours à Méron, en l’honneur de sa première coupe de cheveux, un garçonnet de trois ans goute un gâteau au miel. C’est la cérémonie traditionnelle du “Halaké”. Mais les hassid, savent ils que le mot vient de l’arabe? Halaké, couper, raser en arabe…
  • La nuit du Lag Baomer, une photo prise par un satellite, montre Israël illuminé de milliers de points de lumière — autant de feux de joie.
  • Voile blanc, musique et émotions, dans les salles de fête, c’est la nuit des mariages.
  • Du nord au sud d’Israël, on se régale autour des  feux de joie, de pomme de terres cuites à la braise et de guimauves blanches, grillées à plaisir. Lag Baomer en Israël 

Had Gadia en ladino

Had Gadia est une des plus célèbres chansons de Pessah. Chantée à la fin du repas du seder, cette chanson symbolique mélange d’araméen et d’hébreu a fait l’objet de nombreuses  exégèses.

La plus connue, le Had Gadia, l’agneau, serait le peuple juif face aux nations qui tentaient de le chasser  de sa terre. L’Assyrie serait le chat, la Babylone, le chien,  la Perse, le baton, la Macédoine, le feu, le monde chrétien et Rome, l’eau et les Turcs serait l’ange de la mort. Et la fin de l’histoire, le peuple juif sauvé par Dieu. Une des plus belles interprétations de Had Gadia, est à mon avis celle de Shomi Shabbat, Had Gadia en ladino, en fait une adaption d’une chanson en italien, basée sur Had Gadia. Mais dommage, très court. Shabbat n’a en fait enregistré que deux couplets, dans le cadre d’une publicité qu’il préparait pour un opérateur de la téléphonie mobile.

Qu’importe, Une minute et trente secondes de plaisir, pour vous, ami d’En direct de Jérusalem, en cette veille de la Pâques juive 2013.

 

Le Pessah du Rabbi de Bluzow

C’était en mars 1944. Quelques dizaines de prisonniers de Bergen-Belsen demandent au commandant du camp l’autorisation de faire cuire les galettes de Pâques. Quelques jours plus tard, stupéfaits, ils apprennent que Berlin a donné le feu vert. Contre toute logique, les juifs de Bergen-Belsen auront leur matzot.

Le Rav Israël Shapira de Bluzow dirige le seder de Bergen-Belsen. Rabbin des hassidim de Bluzow, le Rav Shapira vient de perdre toute sa famille dans la Shoah, sa femme, ses enfants et ses petits enfants.

Et devant des dizaines de juifs au regard hagard, les matzot dans ces mains, le Hassid dit “ Nous sommes tous ce soir là au fond de l’abime. Mais ce soir là, c’est la soirée de Pessah, la nuit avant la lumière, nous qui avons connu l’innommable, l’enfer, nous qui avons vu face à nous le mal, les nazis dans les ghettos et la mort dans les camps, nous qui avons vu la décadence de l’Europe éclairée, nous le peuple juif, nous connaitrons bientôt la lumière et la liberté. Ne désespérez jamais mes amis. Rappelez-vous les paroles du prophète Isaïe

” Le peuple qui marchait dans l’obscurité voit une grande lueur; ceux qui habitaient une terre ténébreuse, la lumière rayonne sur eux. Isaïe 9, 1

Quelques mois plus tard, le camp est libéré. Le Rabbi arrive à Brooklyn. Il s’éteint à l’âge de cent ans, en laissant derrière lui à travers des centaines d’histoires de sa vie, un message d’espoir.

 Pessah depuis la nuit des temps, le jour où le peuple juif fête son droit à l’espoir.

Pessah du peuple juif, Pessah aussi de l’homme juif, quelques heures de  lumière divine, où tout recommence, tout débute. Peut être que cette signification profonde de Pessah, si bien racontée par le Hassid de Bluzow, explique l’effervescence, presque l’hystérie nationale, des israéliens à quelques heures du début de Pâques. Achats de victuailles, de vaiselle, de cadeaux, de fleurs et d’habits, ménages  fébriles, peinture et réparations en tout genre, stress accru…

Comme si, bel et bien, chacun des israéliens de l’Israël 2011, allait en personne dans quelques heures, sortir d’Egypte, sortir de l’esclavage pour entamer un voyage de 40 ans dans le désert vers la liberté.

L’oreille d’Aman

 

 A quelques jours de Pourim, Koby Hakak, le Pdg de Roladin, la plus grande chaîne de pâtisseries en Israël a réunit une conférence de presse  – salle comble évidemment – pour présenter sa  collection 2010.   

Les Oreilles d’Aman, ces gâteaux  traditionnels de Pourim font peau neuve.                  Le pavot out, la crème pâtissière  in. Pendant des années, les oreilles d’Aman étaient des biscuits à la patte un peu grossière fourrées de pavot mélangé à du sucre. Les oreilles d’Aman 2010 sont des biscuits délicats, finement sablés fourrés de crème pâtissière, de confiture de marron, de chocolat à l’orange amer ou encore de mousse de café.

Hakak a donné des chiffres. Les Israéliens achèteront  pendant cette semaine de Pourim, 25 millions d’Oreilles d’Aman et fabriqueront à la maison, quelques 30 millions de ces biscuits. En moyenne chaque biscuit représente 150 à 300 calories. 30 % sont fourrés de pavot. 70 % de crème, confiture, de plus en plus sophistiquées chaque année.

Et un mot d’histoire. Ces  gâteaux, le pavot, leur forme triangulaire sont apparemment originaires des communautés ashkénazes  et notamment d’Allemagne. Le jour de Pourim, les Juifs voulaient  en croquant ces  gâteaux  en forme de papillotes, dire qu’Aman,  l’ennemi du peuple juif était vaincu. 

Selon certains chercheurs ces  gâteaux  apparaissent au 15è siécle dans le monde sépharade. Ben Yehuda dans son dictionnaire  affirme qu’Abarbanel, ce commentateur biblique  du 15è siècle ( Espagne – Portugal) faisait déjà référence à ces biscuits en décrivant les traditions de la journée de Pourim.

Dès les années 30, le jour de Pourim, les premières pâtisseries du yishouv juif vendaient les hamantaschen ( oreilles d’Aman en allemand), les Mohntaschles ( poches de pavot en allemand) ou encore les hamantash (poches – papillotes d’Aman en yiddish).  Depuis l’Oreille d’Aman est devenu le biscuit de Pourim. 

Les amandiers de Tou Bichvat

Depuis quand les arbres sont ils en fête ? Et pourtant,  Tou Bichvat, le 15 du mois juif de Chvat est le jour de l’an des arbres, la fête des arbres  selon la tradition qui date d’il y a quelques 2000 ans, du temps du sage Hillel. La fête des fruits et des arbres.

Une des images de ce  Tou Bichvat en Israël, ce sont les paysages très particuliers sur la route qui méne à Jérusalem. Cette année aussi, les amandiers sont au rendez vous et fleurissent par milliers. Un spectacle féérique qui ne dure que quelques jours. 

Si vous ne venez pas cette semaine à Jérusalem, ces photos sont pour vous.