Opération Piliers de défense – Ashdod et Tel Aviv

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour une histoire anodine d’ordinateur à régler, j’ai traversé en quelques heures deux mondes, deux pays.

9 heures du matin, je me rends à Ashdod, pour récupérer mon portable. Les Palestiniens ont juste attendu que je franchisse l’entrée de la ville portuaire. Détonation cinglante. Une roquette de type Graad. Sur un terrain vague, certes. Cela fait tout de même énormément de bruit. En bas d’un immeuble une mamman plaquée contre un mur sert ses deux bébés dans ses bras, un adolescent s’assoit sur un banc, les pieds croisés, et explique en riant à ses copains que lui il n’a peur de rien, et certainement pas de ces Arabes… Un policier l’expédie rapidement en direction d’un abri. Un vieil homme affolé demande en russe: mais qu’est ce qui se passe, sans comprendre vraiment…

Une heure plus tard, j’arrive dans le hall de l’hôtel David Intercontinental de Tel-Aviv, où se tient une conférence sur la publication numérique. Lobby élégant, petits fours et champagne, jeunes loups en cravate, business women sur talons hauts, frénésie devant des contrats juteux et présentation des derniers gadgets d’Apple. Le pays Tel-Aviv éclate de créativité, d’enthousiasme et d’optimisme.

A Ashdod, la moitié des écoles sont fermées, les recettes des commerces ont chuté depuis une semaine, et les habitants attendent que les canons se taisent pour redevenir créatifs, enthousiastes et optimistes.

 

Hello mes amis…

 

Merci d’abord à tous ceux qui se sont inquiétés de mon absence sur ce Blog. Voici la raison: j’étais plongée dans un travail d’écriture, un livre qui paraîtra bientôt et dont je vous parlerai plus tard. L’écriture demande de la fidélité. Les dernières lignes de ce livre écrites, je peux maintenant reprendre ce dialogue interrompu avec vous. Une nouvelle invitation, donc, à “vivre Israël” avec moi.

Yaffa Yarkoni a tiré sa dernière révérence

L’icône de la chanson israélienne n’aimait pas le surnom qui lui avait été donné, “la chanteuse des guerres”. Si c’est pour raconter que j’ai chanté au milieu des champs de bataille, côte à côte avec nos soldats, que je me précipitais sur le téléphone pour transmettre des messages à leurs parents (c’était bien avant le temps des Iphone et des Ipad, c’est moi qui commente évidemment), que je me rendais dans les hôpitaux lorsque l’un d’entre eux avait été blessé, je veux bien que l’on m’appelle ainsi, mais je n’aime pas la guerre, je veux la paix. Quelques années plus tard,  ”la chanteuse des guerres”  créait  le scandale , en critiquant avec virulence, “l’attitude des soldats” lors d’une des grandes opérations de Tsahal. Mais ces prises de positions politiques, avaient été vite oubliées, vite pardonnées. Comment aurait il pu en être autrement, pour celle qui sans peur et avec affront, chantait Babel Oued sous le feu de l’armée égyptienne en 1967, chantait main dans la main avec les soldats de Givati en 1948, et avec les petits enfants de ces soldats eux mêmes devenus soldats dans la Guerre du Liban de 1981.

En m’offrant Babel Oued, avait elle raconté, Haim Gouri, ( qui avait écrit les paroles de ce grand poème sur la porte d’entrée vers Jérusalem, aujourd’hui en hébreu, Shaar Hagay pour raconter la guerre d’Indépendance)  a fait de moi la chanteuse d’Israël.

Yaffa Yarkoni s’est éteinte ce lundi 1 janvier 2012, à l’âge de 86 ans. Depuis quelques trois ans, elle souffrait de la maladie d’Alzheimer. Dans une maison, entourée d’autres malades, la grande dame de la chanson israélienne, ne chantait plus, les mélodies aussi avaient échappé à sa mémoire et seulement parfois, le regard dans le vague elle tapotait de son doigt sur la table, sans que personne ne sache si ce mouvement anodin de la main était le  fil conducteur vers les musiques et la voix somptueuse de la chanteuse adulée 1. Tragédie d’une maladie encore sans espoir de guérison.

J’ai choisi deux moments de cette  grande carrière.  Les débuts et la fin. Deux moments de l’histoire d’Israël pleins de force, de tendresse aussi.

Yaffa Yarkoni dans un de ces premiers concerts en France en 1967

 Yaffa Yarkoni en 2002, dans un moment intimiste, une des ces dernières apparitions publiques enregistrant une nouvelle version d’un de ces grands succès, Kol hayonim 

1 Selon le témoignage de sa fille, raconté il y a quelques mois.

Shuli Rand et Idan Amadi

Idan Amadi est la nouvelle étoile des hit parades israéliens, beau gosse, combattant dans une unité d’élite de Tsahal,

voix de ténor et surtout l’art de raconter l’intimité et la fragilité du soldat, des mots que chaque jeune de dix huit ans qui passera trois ans de sa vie une arme à la main voudrait dire.

Shuli Rand est l’étoile de la chanson hassidique. Artiste, qui  a redécouvert sur le tard son identité juive et après une pause de quelques années et le feu vert de ses rabbins a repris – avec sa femme – son métier d’acteur, ( le célèbre et très beau film des Ushpizin) et s’est aussi lançé avec succès dans la chanson.

Deux chanteurs, deux Israël que tout sépare et qui ensemble ont créé un duo. 

 

Ps: Rand et Amadi se sont produits dernièrement avec cette chanson, mais le seul enregistrement disponible sur You Tube et que je mets en ligne date de 2010. Qu’importe, la beauté et l’émotion restent identiques.

Shalit, les moments identitaires

La journée du mardi 18 octobre, restera ancrée dans la mémoire des israéliens, au même titre que la journée du 29 novembre 1947, du 6 juin 1967, d’Entebbe et d’autres  dates identitaires de l’Israël moderne.  Non, il n’y a là aucune exagération, aucun populisme, aucun sentimentalisme. Il faut avoir vécu ces quelques dix heures de liesse, presque d’extase des Israéliens pour comprendre que le retour d’un soldat après cinq ans et demi de captivité entre dans les dates clès de l’Etat d’Israël. Il faudra encore du temps, des lignes pour comprendre la mobilisation de toute une nation. J’écrirais peut être plus tard sur cela. En attendant, pour ceux qui n’ont pas vu, ou pour ceux qui ont vu et veulent de nouveau voir, voici les moments inoubliables de cette journée, grâce à un très beau montage de la deuxième chaine de la télévision israélienne.

Dix heures de liesse, le clip de la deuxième chaine de la télévision israélienne

Arik Einstein chante Guilad Shalit

Arik Einstein a sorti le jour de la libération de Guilad Shalit, une nouvelle chanson pour Guidat Shalit. Maintenant que tu es là...  Ecrite, enregistrée en moins de 24 heures. Qui l’aurait cru de ce chanteur si exigeant, pédant, et minutieux. Chacun savait qu’il fallait à Einstein plusieurs mois pour enregistrer une chanson. Mais le syndrome Shalit a touché aussi le plus célèbre des chanteurs israéliens. ‘ J’ai vécu comme tout Israël, avec une angoisse dans la gorge depuis cinq ans, raconte Einstein. J’ai vu tout cela de mes yeux de grand père, d’arrière grand père, 18 petits enfants et 3 arrière petits enfants. Je connais bien ce peuple, si quelqu’un est en danger, il se lève tout entier et se mobilise. Ces journées là, je peux vous dire, je suis fier d’être israélien. Sur la chanson, c’est vrai qu’il me faut du temps, mais là, j’ai lu les paroles et en quelques heures la chanson a été enregistrée.

Rapide traduction – très rapide, juste pour permettre à nos amis non hébraisants d’entendre et de comprendre:  “Nous n’oublirons jamais, l’instant où nous avons appris que c’était fini, que tu allais revenir à la lumière. Le premier frisson, après cinq ans, maintenant que tu es là, après cinq ans, Ne cours pas, prend ton temps, tu seras toujours un héros, il n’est pas facile de pardonner au destin. Maintenant que tu es là, il est permis d’aimer, d’embrasser.  Il est permis de pleurer, de respirer, la peur qui ne reviendra plus nous as brisé le coeur. Nous aimons entendre ton nom, Nous t’avons attendu, juste pour de donner, pour t’aimer. Surtout n’ai pas honte, prend cet amour. Après cinq ans, il est permis d’aimer, de serrer fort dans ses bras, il est permis de respirer.  Arik Einstein

Shalit et Condolezza Rice

 

La député de Kadima, Dalya Itskik a raconté l’histoire d’un entretien entre Ehoud Olmert et Condolezza Rice, qui résume en quelques mots, la signification profonde de l’affaire Shalit. Olmert était alors Premier ministre de l’Etat d’Israël, Rice secrétaire d’Etat des Etats Unis. ” Nous ne pourrons jamais vraiment avancer dans les négociations avec les Palestiniens, sans régler au préalable l’affaire Shalit. Vous devez nous donner sur ce point un sérieux coup de main, l’avenir de la paix en dépend. ” dit Olmet à son interlocutrice. Rice s’étonne, “Mais Ehoud, savez vous, que les Etats Unis d’Amérique ont des dizaines de prisonniers en Irak et dans d’autres zones. Pourquoi vous monopolisez vous sur cette affaire Shalit.”

Olmert a alors du expliquer à Rice, que là était bien la différence entre le peuple d’Israël et d’autres peuples du monde. Les Israéliens ont fait de Shalit, leur repére identitaire, leur ancrage, reprenant les dires célèbres des sages du Talmud. Israël est comme un seul corps . Sans Shalit, la grande majorité des Israéliens avaient l’impression d’être mutilés.

Qui a sauvé Guilad Shalit

Octobre 2011. Aujourd’hui, en Israël, l’air du temps est à l’émotion. Palpable dans la rue, dans les foyers, dans les médias, dans le cœur de chaque israélien qui attendait depuis des mois, des années, depuis 1934 jours.  La petite phrase la plus émouvante dans cette explosion de sentiments qui envahit Israël est celle du frère d’une jeune femme de 23 ans tuée dans le terrible ‘attentat du Café Moment à Jérusalem. Je pleure de chagrin et de joie a t-il dit.

Le terroriste qui a tué sa sœur sera dans quelques heures un homme libre. Le prix à payer, lourd, douloureux. Inévitable? La solidarité israélienne sans laquelle l’Etat hébreu n’a pas de raison d’exister a imposé aux dirigeants de ramener à la maison Guilad Shalit. L’affaire Shalit a rappelé que la raison d’être d’Israël était d’abord l’entraide au sein du peuple juif.  Malgré, les risques énormes qu’entrainent la libération de dizaines de terroristes qui ont tué de sang froid des enfants, des femmes et des hommes. Noam et Aviva Shalit pourront dans quelques jours serrer leur  fils dans leurs bras. La pensée qu’un jeune israélien puisse croupir dans les geôles du Hamas était devenue une angoisse existentielle pour les Israéliens de 2011

Au delà de l’aspect humain qui bouleverse tout Israël, cet accord soulève une série de questions dont certaines sont de portée stratégique: le renforcement spectaculaire attendu du Hamas sur le Fatah, le lien entre l’affaire Shalit et la tentative israélienne d’arrêter le nucléaire iranien, les conséquences sur l’Etat palestinien en marche.  

Une autre question cruciale touche à la gouvernance même d’Israël. Qui a décidé? Qui a mené le combat pour la libération de Shalit? Qui a vraiment sauvé le soldat?  Disons le clairement. Guilad Shalit sera libéré parce que ses parents ont été des “ludniks”, célèbre expression israélienne que l’on pourrait traduire un peu vulgairement, et excusez moi d’avance par ”des emmerdeurs”. Après trois ans de silence, la famille Shalit a fait le choix de l’interventionnisme; une mobilisation nationale et internationale, orchestrée avec brio, calme, élégance et détermination inébranlable  par le père du soldat qui a réussi à entrainer le peuple d’Israël tout entier, de Shlomo Artzi au balayeur de rue, en passant par le bambin de maternelle qui scandait aussi, Guilad à la maison. 

Si l’on compare l’affaire Shalit à l’affaire Ron Arad, la différence est là, et seulement là. Tami Arad, l’épouse du pilote disparu, l’avait dit à Noam Shalit: “Ne faites pas l’erreur que nous avons fait. Nous avons compté sur le gouvernement. Nous avons eu tort. Vous seul, pouvez sauver Guilad. ” Noam Shalit a appliqué à la lettre le conseil de celle qui attend toujours des nouvelles de son époux. Benjamin Netanyaou a signé l’accord avec le Hamass. Il n’avait pas le choix. Noam Shalit avait réussi à convaincre que Guilad était le fils de chacun des Israéliens, de chacun des Juifs du monde entier.

Noah Flug, adieu

Noah Flug est décédé jeudi matin à l’hôpital Shaaré Zedek de Jérusalem à l’âge de 86 ans. Un des grands hommes d’Israël. Un vrai, un pur, un dur. Noah FLug avait le talent, le culot, la passion et l’intégrité de ceux qui mènent des combats avec succès. D’abord le combat pour la vie. Ce juif polonais, avait échappé plusieurs fois à la mort. Membre de la résistance antinazie, caché dans le ghetto de Lodz, envoyé au camp d’extermination d’Auschwitz et ensuite encore dans deux camps.

Emigré en Israël, le combat devient celui du souvenir. Ne jamais oublier. Jamais. Jamais, disait cet homme qui avait perdu jusqu’au dernier membre de sa famille dans la Shoah. Mais ce combat là et sa nomination au conseil d’administration de Yad Vashem n’était pas pour lui l’essentiel.  Noah Flug a voué sa vie au combat pour le respect des rescapés. Pendant des années Flug a mené la vie dure aux hommes politiques et surtout  à la direction des finances de l’Etat d’Israël.  Face aux fonctionnaires du Trésor qui faisaient des comptes, souvent sordides, Flug parlait lui d’un devoir historique. Une exigence morale pour l’Etat d’Israël.  Et à raconter la détresse de ces rescapés de la Shoah dans l’impossibilité d’acheter des médicaments dans l’Israël des années 2010.

A la tête de l’organisation qui représentait les rescapés, Flug a donc exigé que ceux qui avaient échappé à la mort, puissent vieillir avec dignité et mourir en paix. Ce combat pour des allocations sociales – de survie –  n’a abouti que il y a quelques mois à peine. Au cimetière du kibboutz de Kiriat Anavim, dans les forêts de Jérusalem, il étaient nombreux, dans la foule, ces hommes et ces femmes, aux cheveux blanc, avec des cannes et sur des chaises roulantes, et des numéros sur leurs bras, venir dire merci, un dernier merci.

Il y a quelques mois, Flug, entouré fièrement de ses quatre petits enfants, de sa femme Dorota et de ses deux filles,  avait dit  aussi que le plus important de ses succès était ces quatre jeunes qui parlent l’hébreu,  cette vie qui avait surgit de l’enfer et  de l’abomination.

Le 9 Av, Bétar et la révolte sociale 2011

 

Pour faire le lien entre la journée du 9 Av, la destruction du Temple de Jérusalem et la révolte sociale qui éclate en Israël cet été 2011, le Rabbin Benny Lau, a raconté l’histoire suivante tirée du Talmud:

En l’an 68 de l’ère chrétienne, le Temple de Jérusalem est détruit. 67 ans plus tard, en l’an 135. Bétar, au nord est de Jérusalem, la cité forteresse des Juifs de Judée dirigée par Bar Kochba, dernier lieu de résistance à l’Empire romain, tombe à son tour.  Le désastre est total pour les Juifs de Judée. Pendant des siècles, depuis la chute de Bétar, jusqu’à l’arrivée des pionniers juifs au milieu du 18è siècle, la Judée et la Terre d’Israël ne furent plus qu’un désert.

Pourquoi Bétar est tombé demande une Mishna. Et la Mishna répond. Bétar est tombé parce que lorsque le Temple de Jérusalem a brulé, les Juifs de Bétar ont allumé des bougies et se sont réjouis. Il y a 2000 ans, le Temple était contrôlé par l’aristocratie du peuple juif, des dirigeants spirituels, des propriétaires fonciers, des riches. Ils exploitaient ouvertement ou avec vices et stratagèmes, les petites gens, les pauvres des campagnes, la périphérie. Et les hommes de Bétar se sont réjouis de la chute de ceux qui les avaient spoliés. Et dit la Mishna, ils sont tombés pour s’être réjouis.

Il y a 2000 ans, les fissures au sein du peuple juif, l’injustice sociale imposée par les uns, la vengeance des autres, le manque de solidarité entre le centre, alors Jérusalem et la périphérie, alors Bétar avaient provoqué la débâcle du peuple juif.