Dans le cadre d’une enquête que je mène depuis quelques semaines sur l’arrivée en Israël des 8000 “derniers” Falashmuras, nous avons rencontré le Rav Yossef Hadane, le chef spirituel de la communauté juive éthiopienne en Israël. ( Nous, Michaël a rencontré pendant des heures et des heures et j’ai mis en page l’entretien)
Voici pour vous, lecteurs de mon Blog, quelques uns de ces propos nouveaux ou/et importants.
Sur son arrivée en Israël en 1972
Cela n’a pas été simple du tout. Il m’a fallu des mois pour créer des liens avec les Israéliens. La plupart me regardait avec suspicion. Un rabbin noir…
Sur le Rabbin Ovadia Yossef
J’ai rencontré pour la première fois, le Rav Ovadia Yossef en 1972. Il était alors le Grand rabbin de Tel Aviv. Un an plus tard, Grand rabbin d’Israël, il décrète que les Beta Israël sont Juifs. Sans cette décision, il n’y aurait peut-être pas d’Ethiopiens en Israël aujourd’hui. Plus tard, il m’a raconté que sa décision s’est fondée sur le jugement du Radbaz, un sage de l’époque du Moyen Age qui avait du légiférer sur la validité d’un mariage entre un juif habitant la région tunisienne et une femme des Beta Israël. Le Radbaz avait tranché. Cette femme éthiopienne, noire était juive.
Sur l’origine des Beta Israël
Il existe plusieurs thèses, toutes se perdent dans la nuit des temps. Le roi Salomon, la reine de Saba. Je ne pense pas. La thèse la plus sérieuse, qui a toujours été la notre et qui a été adoptée par le rabbinat d’Israël. Nos ancêtres seraient les exilés du royaume du Nord d’Israël, de la tribu de Dan, au moment de chute de Samarie en 722 av. JC. Nous serions donc une des tribus juives perdues.
Sur le roi Guidon et la Shoa éthiopienne
Nous avons eu des royaumes juifs indépendants et notamment la période glorieuse du Royaume du roi Guidon au 17è siècle. Nous avons ensuite été vaincus. Chez nous, nous parlons de cette période comme une sorte de Shoa. Sur un demi million, seuls 100 000 survécurent. Cette défaite marque en fait la fin de l’autonomie des juifs en Ethiopie et le début d’un asservissement souvent effroyable.
Sur le mot Falashas
Pour la population locale, nous étions des Falashas. Falashas, signifie étrangers. Pour les habitants de cette région du monde nous étions des “envahisseurs”, nous avions envahi l’Ethiopie, Mais dans notre tradition, nous nous dénommons Béta Israël, la maison d’Israël.
Sur les Falashmuras.
Les Falashmuras ont embrassé le christianisme éthiopien, sous la contrainte. A partir du 18e siècle et surtout au 19e siècle. Les Beta Israël les ont alors dénommés, “Falashas traîtes”, Falashas renégats”, d’où l’expression de Falashas Mura. Ensuite, ils ont été rejetés par ces chrétiens. Ni juifs, ni vraiment chrétiens, mais ils ont jalousement conservé leur identité. Par exemple, ils ne contractaient pas de mariage exogame et choisissaient leur conjoint dans la communauté falashmura.
Sur la décision de permettre leur arrivée en Israël
Certains de notre communauté ont eu des doutes sur le bien fondé d’une telle décision. Pour moi, il n’y aucun doute. Il faut les faire venir en Israël, c’est leur seule issue. De tout temps, ils ont exprimé leur désir de revenir au judaïsme. Nous avons là un devoir moral, historique. Même si il est exact qu’aujourd’hui beaucoup sont très éloignés du judaïsme.
8000 aujourd’hui et si demain d’autres milliers veulent immigrer
Il est exact qu’il existe en Ethiopie, de nombreux groupes qui affirment que dans un passé lointain, parfois plusieurs siècles, leurs ancêtres avaient un lien avec le peuple juif. Il existe de nombreux motifs juifs dans cette région du monde. Mais le gouvernement a pris une décision très claire. Il y a quatre critères. Un, du « sang juif » du coté maternel. Deux, une volonté exprimée de retour au judaïsme. Trois, être inscrits sur la liste d’attente dans le camp de Gondar. Quatre, des parents en Israël. Tout ceci pour éviter les abus.