L’aguna du Yémen est libre

נ' והטוענת הרבנית עם פסק הדין

L’histoire débute  en 1993, au Yémen. T, une adolescente juive de 13 ans est mariée contre son gré à un homme de 20 ans. Après une première grossesse, des coups, des viols et une tentative de meurtre, la jeune femme se réfugie chez ses parents. Son mari se remarie avec une seconde femme avant d’exiger de “récupérer ” sa première femme. Sous la pression T, qui, a à peine 16 ans, cède. Cinq autres enfants naissent de cette union. Après des années de violence et de souffrance, la jeune femme réussit à quitter le Yémen, sans ses enfants. Plusieurs mois plus tard, lors d’une opération spéciale menée par l’Agence juive, les Services israéliens, en échange de plusieurs milliers de dollars, la jeune-femme réussit à faire sortir ses six enfants du Yémen, d’abord aux Etats-Unis, ensuite en Israël.

Son mari reste au Yémen et se convertit à l’Islam. T. vit en Israël, libre avec ses enfants, mais aguna, enchaînée à vie à un homme honni.

Le département des agounot du Tribunal rabbinique de Jérusalem tente de créer un contact avec l’époux, en vain. Plusieurs émissaires sont envoyés et tous se heurtent à un refus catégorique du mari. Plusieurs tribunaux au Tribunal rabbinique d’Israël sont saisis. Tous tentent, sans succès. Des mois et des années de procédures. L’aguna du Yémen semble une affaire insoluble.

Il y a environ un an, Téhila Cohen, la toénet rabbanit qui suit le dossier s’adresse alors au rabbin et juge rabbinique, le rav Aviran Itshak Halevy, autorité rabbinique du Tribunal rabbinique de Tel-Aviv pour reprendre le dossier à la base et tenter une procédure d’annulation de mariage. Après des centaines d’heures de travail, d’investigations, d’enquêtes sur le terrain, auprès de la communauté juive yéménite, d’interrogatoires de dizaines de personnes, membre de la communauté et de la famille, le juge rabbinnique publie un “psak din”, une décision juridique annulant le mariage.

La validité de l’annulation d’un mariage, ” hafkkaat kidouchin, bitoul kidouchin הפקעת  קידושין – ביטול קידושין“, est un des domaines les plus complexes du droit talmudique. Le processus halakhique est rare  et délicat. Pourtant, dans bien des cas insolubles, cette approche courageuse devrait être envisagée. Nous tentons depuis plus d’un an de trouver une solution à une jeune-femme de France, dont le mari s’est rapproché de l’Islam et qui refuse de libérer son épouse. En espérant que ce psak din, puisse faire jurisprudence.

Ce psak din, de plus de 250 pages, cite des dizaines de décrets talmudiques,  des décisions rabbiniques certaines pluri-centenaires, et des décisions célèbres du rav Ovadia Yossef, le juge Halevy s’appuie sur non moins de dix-neuf motifs pour annuler le mariage, et notamment l’invalidité des témoins qui ont signé la kétouba et qui étaient membres de la famille des mariés, l’incompétence du rabbin. Le juge avance aussi la notion talmudique de mékakh taout, à savoir d’erreur au moment du mariage, de mariage forcé etc.

Avec le juge Halevy, un coup de chapeau pour le département des agunot, pour l’organisation de femmes et la toénet Téhila Cohen, qui ont cru à l’histoire et ont lutté jusqu’au bout. Et surtout à T., qui maintes fois aurait pu abandonner le combat, mais à décider de ne pas vivre “morte-vivante” et d’exiger le droit à sa liberté.

T., 40 ans,  aux beaux yeux noirs, à la voix posée, a reçu du Beit Din de Tel Aviv un certificat de célibat :T, fille de M., est libre et célibataire. Son statut est celui d’une célibataire qui n’a jamais été mariée et  elle peut aujourd’hui se marier avec un homme juif, Israël ou Cohen.

Photo P.R

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