Les dames orthodoxes à la Mer Morte

 

C’était il y a quelques semaines dans un grand hôtel sur les bords de la Mer Morte. L’hôtel avait  été réservé par une  yeshiva lituanienne de Bné Brak. D’énormes panneaux de bois plantés sur les graviers et plongeant dans l’eau, séparaient  strictement la plage en deux. A gauche, pour les hommes, à droite pour les  femmes. Une à une, ou en petits groupes, elles sont arrivées avec leur ribambelle d’enfants.

En quelques minutes, elles ont changé leur robe stricte et leurs bas noirs en longs peignoirs de bain colorés, leur coiffe sombre ajustée sur des perruques, en bonnet de bain fleuri. Leur air sérieux s’est métamorphosé en sourire jovial, les mots pesés en conversations coquines sur les maris-enfants-belle-mère-ménage et “cholent”  de shabbat.

Assises en rond, au bord de l’eau, flottant comme des ballons sur la mer de sel, ces dames  impénétrables, dures et tranchantes, étaient devenues drôles, charmantes et  accueillantes. A chacune, de s’étaler de la boue noire et gluante sur le visage et les bras, à d’autres de faire  la planche à plaisir les yeux fermés face au soleil sur l’eau  immuable, et d’autres encore à prendre en peignoir une douche glacée en riant aux éclats.

Une très vieille dame ridée avait un bonnet de bain blanc et un peignoir bleu en s’aspergeant avec délice d’eau salée – la mère du rabbin de la yéshiva, me dira t-on plus tard –  expliquait avec enthousiasme à ses filles, belles-filles, petites et arrières petites filles: ” Mes enfants, remerciez Dieu, mais merci Dieu, pour ce bain de sel. Mais regardez ce que Dieu a fait. Une mer de santé.”

Dans le hammam évidemment strictement réservé aux femmes,  dans l’opacité des  vapeurs et l’humidité du spa, les conversations se sont faites encore plus ouvertes. “Mes études, mon travail… oui mais bien sûr avant tout, mon mari, mes enfants, mais ma carrière…, ma gym…. mon temps à moi…. et une autre de poursuivre, pour le bien de la famille,  l’épouse et la mère de famille doit être heureuse, satisfaite, accomplie…”. Presque le discours des féministes des années 70.

Je l’avais remarqué et écrit d’ailleurs sur ce Blog. La femme orthodoxe israélienne – certaines en tout cas – ont créé un modèle très particulier de  révolution féminine.  Une révolution de l’intérieur. Attachées scrupuleusement à leur croyance  et à leur famille, souvent fer de lance du respect de  la tradition religieuse, elles ont créé tout à la fois un espace d’indépendance, de liberté et de créativité.

 

 

8 Replies to “Les dames orthodoxes à la Mer Morte”

  1. La majorité sont loin d’être aussi ouvertes que vous le décrivez. C’est intéressant du point de vue d’une enquête sociologique, de voir qu’il y a une diversité mais la majorité de ces femmes vivent dans un modèle patriarcal souvent désastreux

  2. Cette séparation entre les hommes et les femmes est un reliquat du passé, idem chez les musulmans

  3. J’aurais bien aimé être aussi sur cette plage, surtout qu’ici il fait froid à mourir et à déprimer

  4. Je doute qu’avec de tels carcans on puisse être créatif et libre

  5. En vous lisant j imagine toute la chaleur humaine qui devait se dégager entr elles.
    Chacune a le droit de choisir librement la vie qu elle veut, chacune vit sa propre réalité que je ne me permettrait pas de critiquer.
    La photo est magnifique.

  6. et bien moi cela ne m’etonne pas.peut-etre parce que j’ai longtemps travaille parmis ces femmes orthodoxes.elles peuvent etre tres droles et tres modernes dans leurs idees et ce que beaucoup ne savent pas reines et maitresses chez elles.penser qu’elles vivent sous les regimes patriarcals rigides et moyen-ageux des musulmans,c’est n’avoir rien compris au judaisme et surtout etre ignare sur le sujet.et meme si je ne comprends pas toujours leur choix de vie je les sais aussi joyeuses et chaleureuses et aimant autant la vie et le rire que les autres femmes sur terre.

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